Alors que le soin personnel pour hommes est sur le point de devenir un véritable segment, la K-Beauty, réputée internationalement pour ses rituels millénaires, se réinvente dans un mouvement genderless, incarné par des influenceurs et artistes désireux de remettre en cause les perceptions traditionnelles de la masculinité.
Ce n’est pas un secret, les hommes sud-coréens (19 millions) sont les premiers consommateurs de cosmétiques au monde. En 2018, ils ont dépensé 1,09 milliard de dollars dans la cosmétique – quatre fois plus que le prochain pays sur la liste, le Danemark -, et les ventes de soins pour la peau ont augmenté de 86% au cours des cinq années précédentes (Euromonitor International). Sur Youtube, la recherche « male idol make-up » donne lieu à plus de 45 000 vidéos de maquillage coréen masculin.
À l’origine de ce changement culturel : une nouvelle génération de zennials sud-coréens qui grandit avec des frontières moins rigides en matière de genre, et qui souhaite bouleverser les conceptions hétéronormatives plutôt que de se conformer aux archétypes désuets d’une société encore dominée par le patriarcat et la tradition.
L’essor mondial de la beauté genderless
En Europe et aux Etats-Unis, le marché du maquillage non sexospécifique n’a pas peiné pas à s’imposer, influencé par les idéaux asiatiques. Si des marques telles que Mister de Givenchy, Boy de Chanel ou Tom Ford for Men démocratisent le men’s makeup, les marques qui se sont délestées de tout caractère de genre pour embrasser une beauté androgyne sont encore plus nombreuses : Milk Makeup, Youth to The People, Non Gender Specific, Context… ont des packagings et des offres formulés pour les femmes et les hommes.
En Corée du Sud, même mue : les marques Panacea, Nacific, LAKA ou encore Missha s’engagent dans la représentation d’une beauté gender neutral.

Une beauté portée par un élan collaboratif
En Corée du Sud, c’est la K-Pop qui stimule le développement post-démographique de la beauté masculine. Les collaborations entre le monde de la cosmétique et la K-Pop, considérée comme le plus grand marché de maquillage pour hommes aujourd’hui, importent l’esthétique soignée et le standard « zéro-défaut » de la culture pop coréenne dans la sphère populaire. Et les plus grandes stars de la K-Pop deviennent tour à tour des modèles de marques pour des grandes maisons de beauté.
En 2018, Chanel nommait Lee Dong-Wook (7.3 millions d’abonnés sur Instagram) comme ambassadeur de Boy de Chanel, faisant de lui le premier homme coréen pour ce rôle.
Un an plus tard, le chanteur Kang Daniel devenait égérie pour Givenchy Beauty et posait avec Le Rouge, signature makeup de Givenchy. La même année, c’est le rappeur Jackson Wang qui représentait Armani aux côtés de Cate Blanchett pour le nouveau parfum féminin Si Passione, première célébrité masculine à devenir le visage d’une campagne de beauté féminine pour la marque.
Plus récemment en 2020, Cha Eun Woo (8.5 millions d’abonnés), membre du groupe Astro, présentait ses soins préférés d’Estée Lauder pour le magazine Marie Claire, laissant apparaitre une beauté sobre mais éthérée sur la première campagne mettant en avant une figure sud-coréenne masculine pour la marque américaine.

Dans l’autre sens, les collaborations se succèdent aussi, et la K-Pop passe de la simple incarnation iconique à acteur à part entière dans le processus de création.
Le mastodonte musical BTS (Beyond The Scene), qui accumule les succès musicaux en Asie et aux Etats-Unis, enchaine également les partenariats avec des marques de cosmétique. En 2017, le groupe lançait une collection de masques hydratants avec la marque coréenne Mediheal, mise en vente exclusivement lors des concerts du groupe. Parallèlement, BTS collaborait avec la marque VT Cosmetics pour plusieurs collections de produits, dont des crèmes solaires, élément essentiel de la routine coréenne.

En 2019, le groupe s’associe à TN pour sa ligne AC Control et lance une gamme de produits contre l’acné alors 44% des Sud-Coréens se déclarent préoccupés par l’acné et les boutons (Insight Korea Deep MininG).
En 2018, le groupe MONSTA X devient le visage de marque de TONYMOLY pour le lancement de ses nouvelles ancres à lèvre, mettant chaque membre derrière la création d’une des teintes de la collection. En 2020, la marque a encore choisi une icône masculine de la K-Pop – Kim Yo Han – comme modèle de marque afin de continuer d’aligner sa stratégie sur le principe de non-binarité de la beauté.

En reflétant l’esthétique non-conformiste et les idéaux modernes de la beauté, les partenariats entre la K-Pop et les marques de cosmétique offrent une nouvelle opportunité d’expression individuelle aux Sud-Coréens et aux générations émergentes.
Les « K-Beauty boys » reconstruisent la beauté autour d’un standard d’attractivité propre à la Corée du Sud, mais qui tend à s’agrandir pour gagner le reste du monde et confronter les pays d’Amérique et d’Occident à leurs stéréotypes de longue date…