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Timothée Richard 14.12.20

Néo Désordre

Décryptages

En marge de la rationnelle rationalisation du rangement, le « messy » et la philosophie du désordre sont parties prenantes d’une nouvelle idéologie de business.

Dans « Messy : The Power of Disorder to Transform our Lives », l’économiste et journaliste britannique Tim Harford expose un schéma différent de ce que le management nous enseigne : un certain éloge du non maitrisé, et à l’inverse, une critique d’une société qui en voulant faire trop rangé, gaspille la créativité.
Au-delà de la sécheresse du rationalisme ambiant, ce désordre est l’incarnation d’un monde en ré-enchantement, qui évoque, en ses liens de nouvelles façons de s’exprimer, de communiquer et une autre manière d’inspirer la consommation.

De l’humeur à la rigueur

Exit la réalité fantasmée, trop difficile à commenter, le désordre devient gage de spontanéité, et même la garanti d’une relation émotionnelle avec le consommateur. Ce non-sens s’incarnait déjà depuis un moment dans des parcours d’achat – labyrinthes de vente – comme Tiger. Il est désormais repris dans des espaces de vente entièrement dédiés au bazar, comme Bazartherapy, concept store thérapeutique qui mise sur le chic qu’est la rencontre avec des objets en tout genre.
La promesse d’un lieu magique et poétique fait de surprises, et « trouvailles ». C’est l’irrégulier qui donne un rythme vibratoire au produit, et marque les esprits.

Plus complexe et à plus grande échelle, OMA redessine de la même façon le grand magasin KaDeWe de Berlin. Avec une même structure : le labyrinthe, qui se décline comme autant de modulations d’espaces propices à la déambulation et au franchissement.

Le levier « expérience client », lui-même, devient prétexte à toutes les scénographies complexes : nœuds, enchevêtrements, nids, couloirs, articulations multiples… une posture plus nourrissante des cadres de consommation.

De la rupture des univers créatifs ?

Sur la beauté et les industries de la création, les lignes bougent autour de cette même rhétorique sociétale. « Out » les standards rectilignes, place à la subversion !
Née à Los Angeles à la suite de l’élection du président Trump aux Etats-Unis en novembre 2016, Lipslut a été fondée sur cette même idée : faire valoir l’humeur, plutôt que la rigueur des explications et les bienfaits consommateurs. Au cœur de l’industrie cosmétique, la marque se veut dérision et intermédiaire au désordre sociopolitique.

Autre illustration palpable,Etat Libre d’Orange et Ogilvy Paris conçoivent à l’été 2018 le premier parfum issu des déchets de la parfumerie : « I am trash, les fleurs du déchet ». Dans la lignée de « Fat Electrician », et « Attaquer le soleil », la maison joue d’audace et de notes irrévérencieuses.

Coté mode, dans un univers tout aussi guindé – qui plus après le normcore – les marques Vetements et Off-White offrent une nouvelle proposition créative, mélangeant luxe, mots d’’ordre et esprit vieilles fripes, décomplexé. Une nouvelle dramaturgie esthétique.

Eloge de la folie, valorisation de l’impertinence

Moins de sciences, plus d’imprudence.
Dans le paysage mental plus général, ces repères sont – paradoxalement – un attrait pour ce qui n’est pas prévisible. Devinable. 
Ce message est relayé dans les contenus par les campagnes comme Asos (Live Curious), Dutch Design Week et Vogue. Qu’importe le solennel, il faut manier l’extravagance pour multiplier les moments d’adhérence.

Parallèlement et à un moment où tout est design, on laisse la parole à l’art – et la divination – plutôt qu’à la data science. A l’optimisation dans tous les domaines.
Parmi lesquels David Shrigley et Martin Boyce qui mettent en relation distraction et imprudence pour questionner les schémas et remettre en question la notion d’ordre et d’obéissance – au sens de schéma social. Le succès de sa parodie est à nouveau un élément matériel de l’attrait pour l’absurdité du quotidien.

Ces illogismes et cette philosophie du désordre se retrouve dans le cadre discursif du « libre cours » (à l’imagination et à la créativité) de l’inédit et plus encore dans la sérendipité, et la capacité à trouver quelque chose qu’on n’avait pas l’ambition de rechercher.

Organiser le hasard ..? Créer les conditions d’un enchainement de circonstances.

Dès lors, et pour reprendre l’analyse du sociologue Harmut Rosa, cette érotique sociale se détache du principe « d’écho » – une jouissance programmée où le consommateur est une cible – pour privilégier celui de « résonance ».

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