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Timothée Richard 16.12.20

#Food : les nouvelles synergies créatives

Décryptages

Créativité débridée, coolaborations, réinventions des codes, chefs artistes, food entrepreneurs, défricheurs, lieux de restaurations hybrides, nouveaux gestes et esthétiques démentielles : la food devient LE terrain de jeu créatif qui cristallise les tendances de l’époque.

A l’été 2018, le critique culinaire américain Jonathan Gold, gagnant du prix Pulitzer, s’était exprimé dans le LA Times sur la nouvelle valeur culturelle du secteur : « In a lot of ways I think food is starting to take the place in culture that Rock & Roll took 30 years ago». S’appuyant sur la profusion des nouveaux hobbies, des nouveaux marchés de niches, mais aussi du phénomène instagram qui a porté l’industrie pour devenir une incarnation prisée de la culture populaire.

Parallèlement, une nouvelle économie de la créativité et du service est en train de balayer des codes établis depuis des décennies pour faire place à un nouvel esprit imaginatif.

Des nouvelles brigades issues des mondes créatifs

Longtemps pré carré de quelques chefs iconiques, le premier signal de cette mutation se trouve dans la série de challengers créatifs que l’industrie voit émerger. Des acteurs qui ne sont pas issus des écoles de cuisines et du sérail habituel mais qui rentrent dans le milieu avec l’idée d’apporter leur expérience de la création, leur regard plus ouvert sur le culinaire et l’envie de faire bouger les lignes d’un secteur devenu, pour des consommateurs en quête de renversement des codes traditionnels, trop linéaire.

Parmi eux, Jacquemus, qui, après avoir fait parler de sa collection AW20 autour d’un petit déjeuner de la boulangerie Le Petit Grain a décidé de lancer successivement Citron Paris puis Oursin en 2019. Deux néo-lieux, concoctés avec l’équipe de Caviar Kaspia au sein des Galeries Lafayette, qui servent d’ores et déjà de « miroir gourmand » méditerranéen à l’image de sa marque portée par l’authenticité.

Cette logique de « co-branding » et d’écrin lifestyle qui sert la diversification de l’univers de marque, on la retrouve aussi dans la démarche de la créatrice Amélie Pichard qui a lancé une ligne de confitures à l’esprit traditionnel. Une initiative reflétant là encore la volonté de ralliement aux valeurs de la cuisine : humanité, convivialité, partage…

Globalisée et forte d’une immense communauté sur les réseaux sociaux, la #food (364 millions de publications sur instagram) navigue dans des eaux similaires à la #fashion (760 millions de publications) et se réinvente au prisme du storytelling.  Des personnalités remarquées comme Charlotte Collard, ancienne mannequin reconvertie en bloggeuse et consultante, lancent leur concept autour du « cuisiner bien habillée » en associant des recettes simples et graphiques. Un élan où la dialectique du #MustHave comme des combinaisons/associations trouve une certaine place, en analogie avec la représentation du vestiaire.

Visuellement, un an après le phénomène « Unicorn Food » aux Etats-Unis, décrypté par le NY Times, la restauration connait aussi un tournant au prisme du visuel #foodporn avec des partis-pris de plus en plus proches de la création artistique.

En témoigne l’ascension de Julien et Céline Pham, et leur agence Phamily first, devenus « labels du cool » de la scène culinaire internationale après avoir œuvrés à la refonte graphique et artistique de nombreux restaurants parisiens. Portraits dans l’Express, Vanity Fair, Le Figaro et de M le Monde en décembre dernier, les journalistes viennent petit à petit chercher chez eux leur vision rupturiste du décor, privilégiant une vision 360° du décor, des menus et de l’univers esthétique.

A l’inverse, des profils comme Angela Dimayuga prouvent aussi que les synergies se font dans les deux sens. Alors qu’elle avait participé à établir de nouveaux paramètres dans la restauration, prônant une vision largement artistique et méticuleuse de la gastronomie chez Mission Chinese à New-York, elle a été nommée directrice de la culture des Hotels Standards. Un signal faible qui prête à penser de nouvelles connivences entre les métiers de DA, de Chef culinaire et qui participe à donner une nouvelle autorité au secteur sur la scène internationale.

Cette dynamique, elle va jusqu’à s’insérer dans les coffee table magazines qui font la jonction avec cette exigence « art de vivre » à l’instar de Dinette Magazine au Canada, The Cleaver Quaterly aux Etats-Unis, ou même Street Bouche Magazine en France. Le tout jonglant entre pop culture accessible et nouvelles manières d’envisager les interconnections entre saveurs, couleurs, et culture au sens large.

Retail : expérience client, incarnation lifestyle et désirabilité

Cet intérêt prononcé pour la redimension de la notion de #food se retrouve aussi dans des espaces voulant renouer avec la dimension lifestyle du secteur.

Dans les rues new-yorkaises, le Blue Box Café a officialisé la volonté de Tiffany & Co, au de-là d’un joli clin d’œil au film « Breakfast at Tiffany’s (1961), de « l’expérimental et de expérientiel ».

Un parti pris qui infuse en France. Non seulement avec des lieux similaires ; Jeanne Damas lançant sa boutique cantine  Chez Jeanne ; Saint Laurent se distinguant avec le café Saint-Laurent, fait de noir et de sobriété… mais aussi d’une dynamique lifestyle plus large incarnée par des festivals comme le Festival du Bien Manger. Un moment où le Marché de Rungis se positionne au Grand Palais pour démocratiser la gastronomie auprès du grand public, entre mise en exergue des savoirs-faires et zones d’animations/apprentissages.

En magasin, face à un marché très segmenté, et au gigantisme caractéristique de la grande distribution, ce même mouvement a été palpable ; se caractérisant par une approche plus servicielle et désirabledes points de vente.

Au Japon, le pop-up « Juste un Clou » lancé par Cartier l’année dernière au prisme d’un renouveau des linéaires a été une étape remarquée. Marketé « Quand l’ordinaire devient précieux », reprenant les classiques de sa ligne bijoux des années 1970, le lieu s’est rapidement fait une place auprès d’une clientèle en quête de cette même proposition « arty » dans le quotidien de l’alimentation.

A Paris, jouant sur cette même transition lifestyle et après son succès dans le 1erarrondissement, l’ouverture de la pâtisserie-boulangerie de Cédric Grolet Opéra a aussi créé l’hystérie auprès d’un public en quête de détails créatifs, comme une manière de se réapproprier une gastronomie conviviale.

D’autres espaces offrent également une alternative attrayante à l’expérience de la grande distribution. C’est le cas de l’approche minimaliste, et plus accessible, de Casa Nostra, à Barcelone. Un lieu dépourvu d’éléments décoratifs, inspiré par l’esthétique de la pharmacie, jouant la carte du minimalisme pour donner une nouvelle puissance relative aux produits.

Dans la même veine, mettant en avant les fonctions symboliques et l’utilité sociale du lieu de vente, on retrouve la section culinaire de John Lewis – dont le Guardian révèle récemment les stratégies pour renouveler le parcours consommateur -, mais aussi des lieux comme La Centrale, à Miami, jouant la carte d’un rapport renouvelé à la construction identitaire, au besoin d’appartenance… et à l’émancipation collective.

Pour aller plus loin, retrouver notre étude Food Forward, et le calendrier des présentations 2020 !

Image à la Une : La Centrale – Miami

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