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Timothée Richard 21.01.21

Second Life

Décryptages

Porté par les partenariats, l’univers du gaming continue de s’envoler vers une économie de l’attention toujours plus disruptive, montrant les opportunités immenses du monde virtuel.

Nous vous parlions dans notre article The Real Universe, de la culture #Geek passée au stade de phénomène culturel et d’économie de médias. Au cœur d’un renouveau expérientiel, les industries créatives et le jeux vidéo se réinventent aujourd’hui dans la multiplication des partenariats entre monde le virtuel et des marques qui revendiquent plus que jamais leur modernité.

Un canal de communication efficace…

L’industrie du jeu vidéo est devenue en quelques années, la plus puissante du secteur culturel : elle devrait valoir 159 milliards de dollars en 2020, soit quatre fois les recettes du cinema (43 milliards de dollars en 2019) et près de trois fois les revenus de l’industrie musicale (57 milliards de dollars en 2019). Le marché devrait ainsi enregistrer un taux de croissance annuel composé de 12% au cours de la période de prévision 2020-2025.

Assez tardivement, les marques ont compris qu’il s’agissait d’un nouveau levier d’engagement auprès des clients, et une occasion inespérée de toucher les jeunes consommateurs.

Faisant ses premiers pas dans l’univers virtuel, la mode s’est tout particulièrement passionnée pour le gaming. B Bounce par Burberry, League of Legends x Louis Vuitton, Adidas x Ninja… Entre 2017 et 2019, les acteurs du luxe succèdent les collaborations et font du jeu vidéo, un nouveau relais d’influence.

Dans cette lancée, The Sims 4 lançait avec Moschino en août 2019 une collection exclusive de vêtements dématérialisée destinée à l’habillement de ses personnages. Dans l’autre sens, la marque italienne dirigée par Jeremy Scott créait en avril la même année, une collection capsule IRL (In Real Life) inspirée du monde virtuel des Sims ré-interprétant les motifs de la marque par l’art de la pixellisation.

À l’inverse et dans un élan rétro-avant-gardiste, les acteurs de la mode se mettent au codage : Gucci lançait en juillet dernier Gucci Arcade, un duo de jeux 8bits (Gucci Bee & Gucci Ace) disponibles sur l’application de la marque, influencé par les années 1970 et 1980.

Le même mois, Louis Vuitton dévoilait Endless Runner, son jeu d’arcade inspiré du runway de la collection Automne-Hiver 2019 présentée par Virgil Abloh à Paris. Ici encore, le jeu conjugue codes du rétro-gaming et esthétique urbaine de la maison française.

Plus récemment en février, c’est la Maison Karl Lagerfeld qui sortait sa propre aventure virtuelle en pixélisant le créateur et sa chatte Choupette dans le but d’offrir aux joueurs des expériences shopping.

Puis dernière « gamification » en date : Gucci x Tennis Clash. La crème de la crème italienne habille les joueurs du jeu mobile à succès pour cette collaboration de tenues virtuelles exclusives dont la mise en ligne était prévue le 18 juin dernier, jour du tournoi virtuel, mais qui peuvent être achetées dans la vie réelle.

Si l’on se penche sur la temporalité, la succession des partenariats met à la lumière du jour le besoin récent et rupturiste des acteurs du luxe de trouver de nouveaux canaux de communication et des stratégies de démarcation.

…et une nouvelle marketplace

Mais si les jeux vidéos représentent un canal marketing efficace en termes de visibilité, ils représentent aussi une nouvelle marketplace viable pour les produits de marques digitaux qui génèrent des microtransactions (achats « in-game » d’objets divers aux prix relativement bas), pouvant atteindre des sommes astronomiques.

Depuis son lancement il y a deux ans, Fortnite Mobile a notamment réalisé un chiffre d’affaires total d’un milliard de dollars grâce à ces microtransactions, dont 44.3 millions en avril dernier en plein confinement, soit 21 millions de plus qu’en mars.

Dans la même volonté d’étendre sa marque aux digital natives et de générer des revenus par le numérique, des applications imaginées comme des jeux vidéos interactifs tels que Drest et son concurrent Ada, révolutionnent l’univers du luxe. Ces plateformes de stylisme en ligne permettent d’habiller des avatars de réelles pièces de marque en passant par une monnaie virtuelle. Sur Drest, il faut par exemple dépenser 3.99 dollars pour acquérir 5.000 dollars de shopping virtuel, tandis que sur Ada, chaque dollar dépensé sur la plateforme vaut 1.000 dollars virtuels.

À terme, l’objectif de ces plateformes est multiple : divertir le consommateur tout en le renvoyant sur un acte d’achat de produits IRL (via Farfetch, partenaire de Drest). Mais il s’agit également d’ouvrir le luxe à une cible moins élitiste et plus jeune, et d’observer ses comportements de consommation via les données fournies par le logiciel. Tout cela sans oublier la monétisation par le micropaiement…

Si pour l’instant le développeur du jeu reste l’exclusif bénéficiaire des revenus générés par la vente de produits, et si la valeur des biens virtuels reste contestable, les opportunités financières restent larges et pourraient prendre plus de sens dans un futur proche.

D’autres opportunités culturelles et créatives inestimées…

La rencontre entre le monde virtuel et l’industrie créative ne s’arrête pas à la mode, mais propulse également le secteur de la musique vers de nouveaux horizons.

En plein confinement, le maître du happening et immense star du rap Travis Scott s’associait au jeu vidéo Fortnite pour présenter Astronomical. Un concert in-game durant lequel l’artiste interprétait sous forme d’avatar virtuel, ses plus gros titres ainsi que The Scotts, son dernier morceau enregistré avec Kid Cudi. Résultat : 27 millions de joueurs uniques étaient en direct sur l’ensemble des quatre dates, et The Scotts devient le plus gros départ sur Spotify depuis le début de l’année 2020. Quelques jours plus tard, Fortnite réitérait avec Diplo, membre du groupe Major Lazer.

Une convergence insolite qui n’est pas nouvelle. Coutumier du genre, Fortnite créait déjà en 2019 l’évènement avec le concert virtuel de DJ Marshmello, aujourd’hui vu plus de 52 millions de fois sur Youtube.

Dans une virtualité bien plus onirique et bienveillante que Fortnite, Animal Crossing : New Horizons marque également d’une pierre blanche le confinement et l’univers du gaming. Échappatoire de l’épidémie parce qu’il célèbre le bonheur sur une île paradisiaque, le jeu sorti en plein confinement explose toutes les ventes sur console, devant Finale Fantasy VII et FIFA 20 – et devient inopinément une plateforme mondiale pour la mode.

Durant le lockdown imposé, le jeu est passé d’un simple divertissement à un nouveau souffle créatif, qui ne vient plus d’en haut, mais d’en bas. Les joueurs passionnés de mode s’approprient tour à tour des pièces haut de gamme lorsque les plus créatifs créent leurs propres ensembles en personnalisant les vêtements de leur personnage. Des comptes Instagram comme @animalcrossingfashionarchive ou @nookstreetmarket se sont ainsi rapidement démarqués dans la course à la création en dédiant leurs espaces sociaux à la mode virtuelle.

Poussé à bout, cet engouement créatif aboutit sur des défilés in-game comme celui organisé par Kara Chung et Marc Goehring, ou encore celui du magazine HYPEBAE, qui marquent le début d’une nouvelle ère pour la mode. Et une nouvelle voie d’expression pour les créateurs qui cherchent des moyens de présenter leurs collections de manière plus vertueuse et disruptive.

Crédit image de couverture : © Kara Chung

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